Lorsque la réalité dépasse la fiction et l’Histoire
« J’ai appris l’existence de la wicca grâce à la série Charmed… Oui je sais, ça surprend ! ». Apprend-on par une jeune fille nommée Alison sur le site madmoizelle.com [1]. Toujours selon ses propos, on apprend « qu’un certain nombre d’historiens s’accorderaient » sur le fait que la wicca serait finalement la plus ancienne des religions, argument soutenu par bon nombre de wiccan (pratiquant de la wicca), mais qu’en est-il réellement ?
Il est en effet difficile de croire que cette religion puisse être la plus ancienne, lorsque l’on sait par exemple à quel point les sources concernant les croyances aux temps des celtes n’étaient pas fiables. D’une part parce que les sources écrites étaient celles des envahisseurs tels que les romans (notamment César qui nous donne une description des Celtes à travers De Bello Gallico) et d’une autre part parce que les druides transmettaient leur savoir par oral ce qui n’a pas permis une préservation de leurs croyances sans que le temps et l’Histoire ne les désagrègent.
De manière plus détaillée, dès l’invasion de la Gaule par les Romans durant le IV et V siècle, non seulement la Gaule et l’île de Bretagne tombent sous le contrôle des Romans mais en plus de cela, il y a une suppression des croyances païennes au profit du christianisme qui a commencé à Rome dès le début du IVe siècle avec le premier empereur romain chrétien : Constantin le Grand. Mais avant même que le christianisme ne débarque dans la Gaule et l’île de Bretagne, la civilisation romaine avait déjà bien influencé les coutumes locales en plus d’en accepter certaines. Malheureusement, le christianisme et surtout le pouvoir de l’église au sein de l’île de Bretagne et même sur le continent fut tel qu’il est difficile de croire que des croyances ont pu être conservées pendant si longtemps. En réalité, pour ce genre de croyances, il s’agirait plutôt d’un mouvement et d’un processus de recréation à partir de fragments historiques qu’il est facile de manipuler tant les théories des historiens, ont elles-mêmes du mal à s’accorder.
Néopaganisme et wicca, croyances du XXIe siècle ? Pas totalement
Le néopagaisme englobe toutes les croyances et religions centrées sur la nature et les divinités inspirées du folklore, il est parfois en contradictions (voir en opposition) avec les religions monothéistes actuelles. On retrouve effectivement des similarités entre le paganisme et le néo-paganisme. Dans les deux cas, nous avons des divinités de sexe masculin (comme le dieu Cernunos durant le Mésolithique vers -6000 Av.JC, aussi appelé le dieu cornu par ses adeptes contemporains) et de sexe féminin (appelée déesse mère par les contemporains), une roue de l’année avec les différentes fêtes païennes associées aux cycles des moissons et dont se servent toujours les néopaïens.
- Calendrier de Coligny
- Bien que le travail d’interprétation demeure délicat à cause du peu de pièces dont les chercheurs disposent, il a permis la conception de la roue de l’année (image ci-dessous). Image libre de droit fournie par Wikimedia.
Cependant là encore, on peut s’interroger sur l’utilisation de la roue de l’année par les néo-païens.
Les Celtes tout comme toutes les civilisations durant le Néolithique étaient des populations qui dépendaient de l’agriculture, il paraît donc logique que leur calendrier ce base sur le cycle des saisons ou la durée des journées. Or, pour les néo-pagans à la manière des chrétiens qui célèbrent Pâques ou Noël, il s’agit juste d’une commémoration en l’honneur d’une croyance lointaine a qui l’on attribut parfois le renouvellement de la vie et du Dieu qui né de la Grande Déesse, tombe amoureux d’elle, puis finit par mourir de nouveau avant de renaître à nouveau de ses entrailles.
- Wheel of the Year
- Wheel of the Year au Musée de Sorcellerie à Boscastle, Cornouailles. Image libre de droit fournie par Wikimedia.
Finalement, à la manière des Gorsedds (associations de druides et de bardes) au pays de Galles et en Bretagne, les néo-païens et adeptes de la wicca sont dans la reconstruction et l’inspiration. Il ne s’agit pas pour eux de recréer trait pour trait les croyances d’antan. Beaucoup de jeunes générations sont séduites par la magie, mais il y a sûrement d’autres phénomènes sociaux et identitaires à voir dans ces nouveaux mouvements de croyances. En effet, le néo-paganisme et la wicca séduisent par leur flexibilité et leur acceptabilité ( l’homosexualité y est acceptée, les dieux de n’importe quels panthéons peuvent être invoqués) pas de règles, pas de dogmes si ce n’est pour la wicca une seule phrase : « Fait ce que tu veux si cela ne cause de mal à personne » en anglais : « An it harm none do what ye will » de Doreen Valiente [2], disciple de Gerald Gardner, considéré comme l’initiateur du mouvement et de la religion wiccan. On notera aussi au passage l’importance de la nature dans ces nouvelles croyances. Si le public du néo-paganisme est vaste, les jeunes générations sont de plus en plus sensibles (et sensibilisées) à l’écologie ainsi qu’au réchauffement climatique, éléments rarement abordés dans les anciens textes sacrés comme la Bible et le Coran si ce n’est dans la Genèse et qui pourrait aussi expliquer pourquoi ils s’orientent vers ce genre de pratiques en adéquations avec leurs préoccupations sans avoir à ce sentir prisonnier par leurs croyances et l’aspect dogmatique qu’elles incombent.