Situation sur la survie de l’irlandais sur l’île d’émeraude

La politique sociolinguistique actuelle en Irlande se concentre sur la protection de la langue gaélique et sa revitalisation. Le nombre de locuteurs étant sur le déclin, plusieurs organismes gouvernementaux et non-gouvernementaux sont investis dans ce projet. Nous nous intéresserons ici au cadre institutionnel sur le dernier siècle, et son renouvellement à partir de 1998.

La survie d’une langue celtique

A l’ère de la mondialisation, la survie des langues dites régionales est un défi plus que fastidieux. Souvent symboles d’anciennes traditions, ces langues ont souffert au court des derniers siècles car elles représentaient un frein au progrès, transmit par la langue nationale. Ce phénomène peut, par exemple, être identifié en Bretagne avec le breton, ainsi que le gallois pour le Pays de Galles. Le cornique est même ressuscité au début du XXe siècle. On retrouve alors, en Irlande, le gaélique (autre appellation de la langue irlandaise) qui a été progressivement remplacé par l’anglais et a souffert d’une baisse considérable de ses locuteurs.

11 April 1998: A blessed Good Friday (The Guardian)
11 April 1998: A blessed Good Friday (The Guardian)
A newspaper billboard on the Falls Road, west Belfast, reports the expected agreement in the peace talks. Photograph: Crispin Rodwell/ REUTERS

En 1998 fut signé l’Accord du Vendredi Saint (Good Friday Agreement), accord de paix pour l’Irlande du Nord qui mettait fin aux Troubles. L’un des points de cet accord promettait alors la mise en place de mesures qui protégeraient et revitaliseraient la langue irlandaise sur l’île d’émeraude. Il nous a donc semblé que cet événement symbolique serait un point de départ adéquat concernant l’analyse de la situation sociolinguistique en Irlande. Plusieurs questions nous paraissent inévitables au commencement de cette étude : vingt ans plus tard, qu’en est-il de cette revitalisation ? Dans quelles conditions les mesures de promotion du gaélique ont-elles été établies ? Les résultats sont-ils satisfaisants ? Encourageants ? Alarmants ?

Nous allons ici nous intéresser au renouvellement du cadre institutionnel responsable de la promotion de la langue irlandaise.

L’indépendance comme point de départ

Bien entendu, le désir de revitaliser l’irlandais n’est pas né du jour au lendemain. Plusieurs organisations ont, tout au long du XXe siècle, mis leurs ressources en œuvre dans le but de maintenir l’enseignement et la pratique du gaélique. Nous citerons par exemple la Ligue gaélique (Conradh na Gaeilge), créée en 1893. Également l’Autorité des Gaeltachts (Údarás na Gaeltachta) avait déjà pris des dispositions pour la sauvegarde de l’irlandais dès sa création en 1957, alors appelé Gaeltarra Eireann.

Ces deux exemples permettent de prendre en compte que l’investissement pour la sauvegarde du gaélique est aussi bien gouvernemental que non gouvernemental. Malheureusement le milieu du XXe siècle représente un échec car le nombre de locuteurs irlandais diminue drastiquement. C’est pour renverser cette tendance négative qu’est créé le Bord na Gael, organisme national ayant pour but de travailler main dans la main avec les organismes non-gouvernementaux. L’intérêt de se coordonner avec ces organisations est l’élargissement du rayon d’action des mesures de protection de la langue irlandaise. En effet si l’Autorité des Gaeltachts couvre plusieurs zones spécifiques dans l’ouest de l’île, les ONGs peuvent se charger du reste du territoire.

La paix pour un renouvellement institutionnel

Nous nous concentrons alors sur l’Accord du Vendredi Saint, également appelé Accord de Belfast. Son premier objectif : assurer les relations entre la République d’Irlande et L’Irlande du Nord à travers la création d’un Conseil Nord/Sud ; ledit conseil prendrait en charges les responsabilités concernant les deux nations. Ces responsabilités n’apparaissent pas par magie, mais correspondent à un remodelage du panorama institutionnel précédent. En effet de nouveaux organismes gouvernementaux émergent, récupérant les obligations de leurs prédécesseurs, avec comme champs d’action les deux États irlandais.

Foras na Gaeilge logo

C’est le cas du Département de Langues Nord/Sud (An Foras Teanga) et de son Institut d’Irlandais (Foras na Gaeilge), dont la responsabilité est, bien entendu, la survie de la langue irlandaise. Le Bord na Gael, organisme national, ainsi que deux autres institutions, l’une spécialisée dans publication de littérature irlandaise, et l’autre étant le Comité Terminologique, sont absorbés dans cette nouvelle institution.

Les obligations du Foras na Gaeilge concernent la garantie du bon déroulement des projets de protection et de revitalisation du gaélique. L’un de ces projets, mis en place en collaboration avec le gouvernement irlandais [1], couvrent la période 2010-30, avec de grandes attentes. La coordination avec les organisations non-gouvernementales est renforcée et conservée dans la mesure où les ONG prennent également part aux projets du Conseil.

Nous avons ici une vue d’ensemble du cadre institutionnel irlandais chargé de la protection du gaélique, mais d’autres points pourront être traités ultérieurement, tels que l’impact sur le système éducatif, les écoles en irlandais, etc.

Notes

[1République d’Irlande

Published 27 March 2018 (Edited 5 July 2021)