Le Gouren, la lutte bretonne

Le gouren, lutte traditionnelle bretonne, est un sport pratiqué en Bretagne mais pas que...
Le gouren (‘lutte’ en breton), aussi appelé lutte bretonne, est un sport principalement pratiqué en Bretagne. Il s’inscrit dans la longue histoire des luttes traditionnelles européennes.

Qu’est-ce que c’est ?

Il tirerait son origine d’un mélange entre le style de lutte des populations celtes de Grande-Bretagne qui ont migré vers l’actuelle Bretagne et celui des celtes d’Armorique. Initialement pratiqué par les nobles (art d’entraînement), il se démocratise peu à peu dans les sphères plus basses de la société jusqu’à devenir un sport populaire. Il devient peu à peu principalement un sport de paysans.

Plusieurs œuvres témoignent la présence de ce sport au fil du temps, sous la plume d’E. Souvestre (1757-1823) ou sous le pinceau de P. Gauguin (1848-1903) par exemple. On décrit alors des tournois où l’on se bat pour la performance, l’honneur ou le défi. Le vainqueur se voit recevoir un prix, le maout (‘bélier’ en breton) étant l’une des récompenses typiques : « ar maout ‘zo gantañ » signifie ‘il a gagné’ en breton, soit littéralement ‘le bélier est à lui’, témoin de l’importance du breton dans la langue comme dans la société.

À la suite de la 1e Guerre Mondiale, c’est tout un monde qui change. Entre pertes démographiques et exode rural, le cyclisme et le football sont préférés à la lutte bretonne. Elle est ainsi surtout pratiquée lors de fêtes religieuses, de pardons. Par suite d’un effort de modernisation (création de catégories de poids et d’âge, un serment est créé, définition d’une durée de combat, …) ce sport regagne en popularité. En 1980, la fédération de gouren voit le jour. Elle encadre les pratiques, les licenciés, les tournois. Il est possible, depuis 1998, de passer un examen de gouren en tant qu’option au baccalauréat, signe de la vitalité de ce sport.

Comment se pratique ce sport ?

A la différence du judo, il ne se pratique que debout. On s’accroche à la roched ‘chemise’ de l’adversaire, au niveau du col, de la manche, de la ceinture. Les jambes servent, quant à elles, à faucher, balayer,…
En été, on lutte sur un tas de sciure à la manière traditionnelle. En hiver, c’est sur des tapis (‘pallenn’) que l’on combat.
Le style de technique principal est le kliked (enrouler sa jambe autour de celle de l’autre lutteur). Lorsqu’un lutteur est projeté, il est interdit de le laisser tomber de n’importe quelle façon : il est nécessaire de l’accompagner dans sa chute. Cela permet d’augmenter ses chances d’obtenir un score parfait, le lamm ‘chute’. Le lamm signe l’arrêt du combat car il offre la victoire automatiquement : cela consiste en une chute où les deux omoplates sont la première chose à toucher le sol. Il existe trois autres résultats : le kostin, résultat similaire au lamm mais qui ne comprend le premier contact que d’une épaule par exemple. Le kein correspond à une chute qui amène l’adversaire à toucher le sol du dos. Si les arbitres s’écrient ‘netra’ (rien), cela veut dire que la chute est nulle. Les lutteurs se relèvent donc et reprennent le combat dans l’espoir de réaliser un lamm.

Le respect de l’opposant est important dans l’esprit du gouren. Il existe généralement une certaine entente parmi les lutteurs, qui visent à faire tomber l’autre sur les deux omoplates, non pas de les fracasser contre le sol. Les gourenerien ‘lutteurs’ s’engagent, avant chaque tournoi ou compétition, à « lutter sans traîtrise ni brutalité ». Voici le serment, qui est lu en breton puis en français. Lors de compétitions internationales, on l’entend également dans d’autres langues.

M’hen tou da c’houren gant lealded
Hep trubarderez na taol fall ebet
Evit ma enor ha hini ma bro
E testeni eus ma gwiriegez
Hag evit heul kiz vad ma zud koz
Kinnig a ran d’am c’henvreur ma dorn ha ma jod.

« Je jure de lutter en toute loyauté, sans traîtrise ni brutalité. Pour mon honneur est celui de mon pays. En témoignage de ma sincérité et pour suivre la coutume de mes ancêtres, je tends à mon émule ma main et ma joue. »

Les combats peuvent durer jusque 7 minutes (sans prolongation) suivant le type de tournoi, la catégorie d’âge, … Si aucun lutteur n’a réussi à faire tomber son adversaire de façon efficace malgré les prolongations, la victoire revient au premier qui fera tomber l’autre.

La compétition

Bien que certains lutteurs choisissent de ne pas participer aux compétitions, elles sont d’une importance capitale pour représenter son skol ‘école’ ainsi que se mesurer aux autres lutteurs de Bretagne. Certaines compétitions sont individuelles, d’autres d’équipe. L’année se divise en deux saisons : été et hiver.
Des championnats départementaux et régionaux ont également lieu chaque année. Le gouren est également l’une des deux luttes principales du championnat d’Europe des luttes celtiques (aux côtés du back-hold, lutte traditionnelle écossaise). Lors de ce championnat, de nombreuses nations d’Europe sont représentées (Islande, Écosse, Angleterre, Suède, Sardaigne, Autriche, …) et comportent trois catégories de victoire : il y a la compétition par équipe, la compétition individuelle de gouren et la compétition individuelle de back-hold. On ajoute une troisième lutte dans la compétition, propre au pays hôte, lorsqu’elle ne se déroule ni en Bretagne ni au Royaume-Uni. On peut citer la glíma (lutte traditionnelle islandaise) à titre d’exemple.

En bref…

Le gouren est un sport de lutte qui lie force, technique et endurance. Des techniques de projection sont utilisées pour tenter de faire chuter l’opposant sur ses deux omoplates. La première prise (ou technique) enseignée est généralement le taol korn revr (littéralement ‘coup du coin du cul’) et il en existe une multitude : briad a-dreñv, kliked a-raok, … Ce sport est pratiqué par des hommes comme des femmes et son apprentissage peut commencer assez tôt.

Published 2 August 2023 (Edited 3 May 2023)