Le druide, entre mythe et réalité

Nous avons tous déjà entendu parler des druides dans notre culture populaire, notamment le maître de la potion magique dans les aventures d’Astérix. Mais aussi le personnage de Merlin qui, dans la série télévisée Kaamelott est à son tour associé aux druides. Le personnage du druide continue de fasciner et de plaire auprès du public de nos jours, que ce soit dans les films, les séries ou les jeux-vidéos etc. Mais que savons-nous exactement de ce mystérieux personnage souvent représenté avec une longue robe et une barbe blanche, une faucille à la main ? Une poignée d’entre nous dirait qu’il descend de la tradition celtique. Certes mais que savons-nous d’autres? L’image que nous nous faisons du druide aujourd’hui est-elle exacte? C’est ce que nous allons tenter de vérifier en dépoussiérant les traits du druide qui jusqu’ici sont restés indéfinis.

D’où vient le mot “druide” ?

L’étymologie du substantif «druide» [1] a longtemps interrogé les chercheurs. Mais il semblerait que malgré toutes les tentatives de définition, deux thématiques reviennent systématiquement : l’arbre et le savoir. De ce fait, le mot druide viendrait du grec drus qui signifie “rouvre/chêne”, s’ajoute à cela le suffixe indo-européen weid qui veut dire “voir/savoir”. Si on y ajoute la seconde partie du mot qui désigne le “savant”, le mot druide voudrait dire : “le savant par le chêne”.
Quelques théories, notamment au XIXe siècle, se focalisent sur le côté savant avec Rudolf Thurneysen selon lequel le mot druide voudrait dire «le très savant» ou bien Camille Jullian qui pencherait sur la signification suivante: «le très sage». Ou d’après Xavier Delamarre le druide serait «le connaisseur de l’Arbre du Monde»... L’importance du chêne se traduit par le fait qu’il représente la force divine, l’énergie cosmique parfois remplacée par le gui qui est l’essence même de la divinité. Ils étaient utilisés pour contacter les forces supérieures. Il fallait en ingérer pour insuffler le divin dans l’humain, et incarner le dieu. Les druides connaissent l’énergie végétale et l’appliquent à d’autres plantes dont le gui dans un but thérapeutique ou magique.

L’organisation sociale des druides

Au départ les druides étaient rassemblés sous forme de clans puis de manière tribale avec à leur tête l’archidruide, le fédérateur temporel, qui détenait l’autorité spirituelle et qui était soutenu par son conseil suprême.
Le clan auquel le druide appartenait englobait à la fois sa descendance directe mais aussi tout ses prédécesseurs ayant trépassé. A la tête de ce clan se trouve un chef momentanément choisi dont le nom est connu de tous. On y pratique le culte des ancêtres puisqu’une fois décédés, ils ont pour mission d’accompagner ceux qui vivent. Et cela du plus lointain ancêtre jusqu’à ceux sur le point de naître, en passant par la famille du moment. Le clan est donc à la base de la société druidique, non pas la tribu. Les druides se marient très jeunes, dix-sept ans pour les filles et dix-huit pour les garçons. Beaucoup d’entre eux étaient ainsi mariés. Au sein d’une tribu on retrouve un conseil de druide ou de délégués des druides. Les druides considéraient que la terre était un bien commun à la tribu, pour toutes familles confondues. Selon eux, on pouvait posséder des biens mobiliers mais pas fonciers. Mais cela n’était pas forcément appliqué partout.
Contrairement à ce que certains pensaient, les druides ne vivaient pas nus, comparés à certains sages en Inde nommé les Gymnosophistes. Ils ne soumettaient pas leur corps à des privations ou mortifications. Les druides étaient vénérés par les autres hommes, ils s’adressaient à eux en utilisant des maximes, parfois voulues énigmatiques, avec solennité comme si les divinités parlaient à travers eux. Ces derniers plaçaient leur autorité sous celle des dieux, ils étaient parfois désignés comme philosophes (eux-mêmes se donnaient ce nom de temps à autres). Le druide rend le religieux, la politique et le judiciaire, qui dépendent les uns des autres. Ils en sont les « censeurs » et tant que ces trois domaines restent solidaires la vie sociale peut continuer.
Les druides paraissent intemporels et hors du temps, en dehors des contingences de la société.

Comment devenait-on druide ?

Les druides sont recrutés par admissions et gravissent les échelons dans la hiérarchie en étant nommés. C’est le druide appartenant au rang supérieur qui élit celui qui occupera le rang inférieur. A la mort de l’archidruide, son successeur est élu par le conseil suprême et la plupart du temps selon les dernières volontés du défunt.
On reconnaît l’archidruide avec un collier d’ambre à trois rangs, alors que les autres druides ont tous un collier d’ambre d’une seule rangée. Pour le druide, l’or et l’ambre sont les emblèmes respectifs du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel.
Les jeunes druides sont appelés à entrer dans leurs fonctions dès l’âge de 14 ans où ils deviennent novices. Ce qui peut durer de 7 à 14 ans en étant mariés ou non, puis ils deviennent druides assistants mais pas druides confirmés (pas avant 7 années voire plus). Arrivés au stade de druides confirmés, ils se voient confier la mission d’enseigner aux « laïcs » : comment honorer les dieux, se garder de faire le mal, pratiquer les vertus viriles. On leur apprenait à devenir des hommes, à être virils, libres et justes dans leurs décisions. On leur inculquait la portée spirituelle du sacrifice consenti, la dignité de l’homme, le choix et sa finalité, le sacrifice et son principe et enfin l’amour. Leur robe blanche vient du fait que le blanc est la couleur du sacerdoce par excellence. La faucille quant à elle, est en or pour cueillir le gui. On retrouve ici la métaphore solaire-lunaire avec l’or pour le soleil et la faucille en croissant de lune.

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Les rôles et fonctions du druide

Le druidisme a pour tâche d’orienter les destinées d’hommes considérés comme sains, généreux mais impulsifs, versatiles et indisciplinés. Les druides participent à l’élection du nouveau roi quand le précédent vient de s’éteindre, mais leur avis n’est pas tout le temps pris en compte. Ils ne sont pas des électeurs. Pour pouvoir être élu il faut appartenir au clan royal, et ce peu importe le rang occupé.
Parmi les fonctions du druide on retrouve celle d’arbitrage lors des règlements de compte au sein d’un même clan ou bien entre deux clans... Mais également pour les châtiments. La sagesse et les sciences druidiques se résument en symboles aux multiples adaptations orales. Chaque druide est responsable de son enseignement devant le collège suprême. Le druide se voit aussi associé à la figure de thérapeute et d’alchimiste: le chêne et le gui, en Gaule, représentent l’autorité spirituelle et la puissance sociale et temporelle, la subordination du collier d’or au collier d’ambre. Ce qui peut, selon leurs croyances, guérir tous les maux.
Le druide était aussi un astrologue et un astronome. Celui-ci tenait compte de la force de l’action Terre-Lune, ce qui avait son importance pour la cueillette et préparation de remèdes... De ce fait des influx séléniques et le magnétisme tellurique étaient étudiés avec soin à des périodes déterminées car certains corps s’en chargeaient dont les végétaux comme le gui. Ainsi, les druides ont des connaissances très poussées dans le domaine des plantes qui sont souvent utilisées pour les remèdes, et en médecine. Les druidesses sont la plupart du temps à l’origine des remèdes. Le magnétisme humain-terre est appliqué dans la préparation des remèdes. La phytothérapie, les sciences naturelles et l’astronomie leur étaient enseignées à l’écart, pour éviter d’être épiés par les «maléficiants». Nonobstant, ils excluaient de leurs pratiques la «médecine transplantatoire», une vie pour une vie. Leur morale et philosophie s’y opposaient. De même que les druides croyaient en l’immortalité de l’âme qui était l’essence même de la solidarité entre les morts, les vivants et les futurs vivants.

La magie des druides

Les druides tirent leur magie des quatre éléments. A savoir, l’eau, l’air, la terre et le feu. En effet, on disait des druides qu’ils pouvaient faire descendre le feu du ciel sur les offrandes et manier la foudre. Dans leur pratique de la magie, ils utilisent certaines énergies cachées de l’homme et de la nature, des entités douées de vie et de conscience.

Pour la Terre, lors des funérailles, ils lavent les corps dans les rivières et les inhument dans la terre. S’en suit l’élévation d’un mégalithe sur lequel ils inscrivent une incantation. Un poème est récité par un poète ou un druide. La terre a pour rôle d’emmener les morts dans l’Autre Monde. Le Cercle de Pierre dégage une puissante énergie des minéraux appelée « haie du druide » qui permet de rentrer ou de sortir du cercle.

Concernant l’Air les druides pouvaient manier les vents pour diverses fins, dont semer le trouble dans les combats: les soldats ne se reconnaissent plus entre eux et s’entre-tuent.

L’Eau est sacrée, car sans elle, il ne peut pas y avoir de vie. La Source tire sa puissances du cœur de la terre. Nombreux sont les sanctuaires positionnés à la source de rivières, dont la Seine. L’Eau est aussi guérisseuse, car elle lave et enlève les impuretés.

Le Feu quant à lui n’est pas perçu comme un élément, mais il serait la transformation des 3 autres. La Terre et l’Eau deviennent Air grâce à l’action du Feu, qui entraîne également la transformation de l’Eau en Terre. Le Feu est célébré lors de la fête de Beltaine du 1er mai, fête du Feu et de la Lumière. Bel ou Belenos veut dire « le Brillant ». Les druides allument des feux avec de grandes incantations et font passer des troupeaux entre ces différents feux. Ceux-ci sont bénéfiques : afin de lutter contre les épidémies, les troupeaux passaient entre ces feux tous les ans. C’est un rituel que l’on retrouve aujourd’hui avec le feu de la Saint-Jean. Pendant les Fêtes des Brandons (pendant le Carême) en Angleterre, on allume des torches et on se promène avec dans les champs, forêts, jardins pour que la récolte d’été soit bonne et abondante. Le Feu a pour propriété la régénération, la purification, le fait de régénérer l’énergie mise en sommeil pendant l’hiver et d’assurer le dépassement de soi. De même que sacrifier par le feu signifie la renaissance et l’immortalité.

Les sanctuaires druidiques

On associe souvent les menhirs et les dolmens aux pratiques druidiques, probablement à raison au vu des résultats donnés par les recherches archéologiques.
Le Cercle de pierres levées est un anneau de puissance. Les assistants doivent former une chaîne autour de ce cercle lors de cérémonies spirituelles et ne peuvent pas y entrer. S’il est centré autour d’un menhir cela peut représenter le zodiaque.

Le dolmen in-delb quant à lui est perçu comme une pierre des fantômes ou des esprits. Il n’est pas forcément un tombeau mais le lieu est fréquenté par les esprits de défunts dont le nom y était inscrit en oghamique. Ces pierres sont destinées à être hantés ou « hantable » lorsqu’elles étaient édifiées en l’honneur de disparus dont le nom est évoqué lors de rituels. Mais elles peuvent aussi être un banc de magie utilisé pour des cérémonies initiatiques, magiques ou religieuses mais surtout pour le culte public.
Sous les allées couvertes ont lieu des évocations de défunts ou d’entités extra-humaines. Le couvercle du dolmen représente le ciel dont les étoiles ou constellations sont représentées par plusieurs cupules. Les cadavres sont inhumés parfois plusieurs siècles après son érection, il n’est donc pas forcément un tombeau.

Quant aux menhirs, ce sont des pierres, colonnes d’admiration portant la symbolique de la pierre tombée du ciel. Ils seraient une antenne de captation, de canalisation et de condensation d’un certain magnétisme qu’on pouvait ensuite utiliser pour diverses choses; dont un but curatif, pour la survitalité des arbres et de leurs forêts.

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Mais le plus important de tous les sanctuaires druidiques n’est autre que le Nemeton. Ce dernier signifie «sanctuaire à ciel ouvert». De ce fait les Celtes pensaient qu’il était inutile d’enfermer le ou les dieux dans un endroit clos, puisque le monde des humains pouvait s’ouvrir sur celui des dieux et inversement. Le Nemeton pouvait être une clairière, une forêt, une île au milieu de la mer, le sommet d’un tertre... De nombreuses églises sont construites sur d’anciens Nemeton.
Il n’était pas choisi au hasard car les Celtes le basaient toujours sur des sanctuaires préhistoriques. Chacun d’entre eux était considéré comme centre du monde. Aussi, le Nemeton est considéré comme un lieu de contact entre le ciel et la terre.

En somme, la figure du druide est bien plus complexe qu’il n’y parait. Nous venons de voir qu’on ne naît pas forcément druide et que celui-ci vit dans une société organisée et y remplit des fonctions bien précises. Son lien avec la nature est plus qu’évident puisque c’est de là qu’il tire ses pouvoirs et sa force. Il respecte la nature en vertu de tout ce qu’elle lui offre. A présent nous avons découvert une partie de l’iceberg concernant les sanctuaires propres aux druides mais une partie de mystère demeure.

Notes

Published 4 May 2021
  • by Sortie de sa campagne, devient diplômée d’une licence d’Histoire à l’Université de Tours. Passionnée d’Histoire ainsi que de l’Irlande et sa (...)
(Edited 17 March 2022)

Bibliographie

  1. Bruneaux J-L, Les Druides: Des Philosophes chez les Barbares, Seuil, Paris, 2006.
  2. Markale J, Le druidisme: Traditions et dieux celtes, Payot, Paris, 2007.
  3. Savoret A, Visage du druidisme, Dervy-Livres, Paris, 1977.